D’abord, laissez-moi me présenter. Mon nom est Simon Gagnon. Je suis Oto-Rhino-Laryngologiste et Chirurgien Cervico-Facial à Québec.
Je plonge depuis 3 ans. Je suis devenu accro tout comme plusieurs d’entre vous. Tellement accro que je possède également des certifications en Médecine de plongée et Médecine Hyperbare. Voici un sujet sur les problèmes d’oreilles en plongée. 

Les problèmes d’oreilles sont la raison la plus fréquente de consultation en plongée. Qui n’a pas ressenti, à un moment ou à un autre, des difficultés à équilibrer la pression dans ses oreilles ?
D’abord un peu d’anatomie et de physiologie.
L’oreille se divise en 3 portions. L’oreille externe, qui inclut le pavillon de l’oreille et le conduit auditif externe. L’oreille moyenne, qui inclut le tympan, les osselets et la caisse tympanique (la cavité pleine d’air entre le tympan et l’oreille interne). Et l’oreille interne, qui comprend la cochlée (organe auditif) et le vestibule ou labyrinthe (deux synonymes et qui est l’organe responsable de l’équilibre).
Sur le plan physiologique, l’oreille moyenne comporte des caractéristiques importantes pour la plongée. Il s’agit d’une cavité pleine d’air, donc soumise aux changements de pressions de l’environnement. L’oreille moyenne peut s’adapter (s’ajuster) à ces changements de pression par une structure qui s’appelle la trompe d’Eustache. Ce tuyau/drain, en partie osseux et en partie membraneux (tissus mous) peut s’ouvrir pour équilibrer les pressions. Sur la partie membraneuse (molle) s’insèrent des muscles (dont certains muscles du palais) qui, en se contractant, font ouvrir la trompe.
Comment tout cela finit par avoir une importance en plongée ?
L’air de l’oreille moyenne est soumis aux lois de la physique. La loi de Mariotte-Boyle concerne la relation entre la Pression et le Volume d’un Gaz à température constante. Cette relation est inversement proportionnelle : si la pression augmente (descente) le volume du gaz présent va diminuer. Et inversement, lorsque la pression diminue (remontée) le volume du gaz présent va augmenter. Un exemple de cette loi ! Lorsque l’on remonte à la surface lors d’une plongée, il faut enlever l’air dans notre veste compensatrice car avec la pression qui diminue, le gaz présent dans la veste va prendre de l’expansion et l’on risque alors une remontée trop rapide. De même, lorsque vous avez atteint la profondeur désirée vous devez parfois ajouter de l’air dans votre veste afin d’assurer votre flottabilité car avec l’augmentation de pression en profondeur le volume d’air dans la veste a diminué.
L’oreille moyenne est soumise à ce même phénomène. La pression autour de vous varie durant la plongée et vous devez faire certaines actions (tout comme avec votre veste) pour ajuster la pression dans votre oreille moyenne. Nous en reparlerons plus loin dans le texte.
Maintenant que les éléments anatomiques et physiologiques sont mis en place. Allons maintenant dans le concret. Que faire ou ne pas faire en plongée. Les problèmes d’oreille interne ne seront cependant pas discutés dans ce texte. D’abord parce que ces problèmes sont peu fréquents et que l’anatomie et la physiologie concernant cette partie de l’oreille sont nettement plus complexes.
L’Otite externe :
Lorsque vous allez en plongée, vous avez sûrement noté qu’il y a beaucoup de choses en suspension dans l’eau. Et si vous pensez qu’il y en a beaucoup,… attention…ce n’est que ce qui est visible…il y a plein de choses (vivantes ou non) qui sont microscopiques et qui sont dans cette soupe dans laquelle nous baignons…YOU’RE NOT ALONE !
Donc, toutes ses substances organiques ou non entreront dans votre conduit auditif externe…et elles ne ressortent pas toutes !
Lorsque nous trempons dans notre baignoire, notre peau ratatine ! La peau au contact prolongé de l’eau (comme en plongée) perd sa capacité de faire une barrière contre les agressions extérieures. Cette barrière rendue moins efficace additionnée à la présence de petits « amis » nous met à risque de développer une infection du conduit auditif…l’otite externe du…plongeur !
Comment prévenir cette dernière ?
En rinçant l’intérieur du conduit lorsque l’on prend sa douche après la plongée. En croisière-plongée (liveaboard), il y a presque toujours une douche extérieure qui permet de le faire immédiatement après la plongée. Ensuite, il est important de bien assécher le conduit avec une serviette ou un séchoir à cheveux (puissance et chaleur modérée). Un autre moyen de prévenir le tout , si des plongées successives sur plusieurs jours sont au programme, est d’utiliser une solution «maison» faite de 50% eau -50% vinaigre (acide acétique) ou une solution d’alcool isopropylique 70% et vinaigre (ratio 2 :1) . Il existe aussi une solution commerciale d’acétate d’aluminium 0,5% (Buro-Sol©). Ces produits ont pour effet d’abaisser le pH du conduit (acidifier) et les «bibittes» n’aiment pas cela.
NB. Vous ne devez pas avoir de perforation tympanique pour utiliser ces produits.
Si malgré toutes les précautions vous développez une otite externe des gouttes contenant un antibiotique seront nécessaires de même que vous devrez vous abstenir de mettre de l’eau dans vos oreilles pendant un certain temps…Bye Bye plongée…voilà pourquoi il vaut mieux prévenir que de guérir !
L’oreille moyenne :
Revenons sur les difficultés reliées à l’équilibration de la pression dans les oreilles. Plein de choses vous sont dites à ce sujet durant vos formations de plongées. Et dans la grande majorité des cas, tout ce qui est dit est vrai et important pour éviter des problèmes. À savoir :
- Commencer à équilibrer tôt durant la descente (le conseil le plus important)
- La manœuvre de Valsalva (faire des grosses joues en expirant et pinçant le nez) est facile et très efficace
- Équilibrer souvent
- Descendre les pieds en premiers et non tête première
- Si vous avez de la difficulté, remontez de quelques pieds, attendre, rééquilibrez et reprendre la descente.
Je tiens ici à encourager les plongeurs qui ont des difficultés avec leurs trompes d’Eustache. Il n’est pas si fréquent qu’une dysfonction tubaire empêche définitivement quelqu’un de plonger. Il est important que vous vous respectiez afin d’éviter de plus graves blessures. Votre Binôme et Votre Dive Master (DM) doivent aussi vous respecter. Il n’est pas rare pour moi de voir un patient qui se sentait pressé par son Binôme ou son DM et qui ne se sont pas respectés et qui écopent d’un Barotraumatisme (traumatisme causé par la pression) pouvant aller jusqu’à la perforation du tympan ! Donc… RESPECT ! De plus, l’on peut s’entraîner à être plus efficace. Pour certains la manœuvre de Valsalva ne fonctionne pas bien…un «p’tit» secret…j’en explique d’autres plus loin !
Tel que mentionné plus haut, il est primordial de commencer à équilibrer tôt dans la descente. Il s’agit du conseil le plus important. Le différentiel de pression sur les tissus mous s’exerce dans les premiers pieds de descente. Une fois la trompe bien comprimée il devient très difficile de la ré-ouvrir. Prenons comme analogie les vieux bouchons de baignoire en caoutchouc. Lorsque l’effet de succion s’est installé, il est très difficile de le retirer. Il en va de même pour la trompe d’Eustache. Équilibrez tôt et souvent afin d’éviter que la pression de fermeture de la Trompe que vous devrez combattre ne soit trop élevée. Si vous faites cela, tout sera plus facile. Si vous n’équilibrez pas souvent, vous serez tenté ou devrez générer une plus grande pression avec votre Valsalva et encourez alors un plus grand risque de Barotraumatisme.
Un petit secret important pour éviter les barotraumatismes avec le Valsalva. Allez-y tranquillement. Gonflez vos joues lentement, rien ne sert de le faire trop fort et/ou trop vite.
D’autres manœuvres :
- Avaler…simplement, cela fait contracter les muscles de votre palais et fait ouvrir votre trompe !
- Manœuvre de Toynbee : Avaler en pinçant son nez et en fermant la bouche – mettre la langue dans l’ouverture du détenteur.
- Manœuvre de Lowry : Combinaison entre Valsalva et Toynbee. Il s’agit de pincer le nez, d’avaler et de gonfler les joues en même temps.
- Bâiller…simplement
- Technique d’ Edmonds : Déplacer la mâchoire inférieure vers l’avant et le bas (comme un bâillement) et faire un Valsalva en même temps.
- Si une seule oreille est problématique, refaite votre Valsalva avec une flexion latérale de la tête en mettant l’oreille problématique en haut (plus près de la surface) l’autre oreille sera plus près du fond de l’eau. Ceci aura pour effet d’envoyer plus d’air dans l’oreille problématique (de la même façon que les bulles d’air que vous expirez remontent vers la surface).
…Des heures de plaisir à essayer çà !
La perforation tympanique est une complication peu fréquente. Elle résulte de plusieurs facteurs mais est la résultante ultime d’une incapacité à équilibrer la pression. Classiquement, lorsqu’un plongeur se perfore le tympan sous l’eau il pourra y avoir un léger vertige de courte durée causé par l’arrivée d’eau plus froide que la température du corps dans l’oreille moyenne. Rapidement ce vertige cessera et le plongeur se sentira mieux car il n’y aura plus de différentiel de pression dans l’oreille. S’il y avait beaucoup de douleur lors de la descente, celle-ci diminuera à cause de la perte du gradient de pression. Sous l’eau le Binôme ou le DM peut conclure à une perforation tympanique si lors d’une manœuvre de Valsalva des bulles d’air s’échappent du conduit de l’oreille. À la surface, le plongeur se sentira sourd du côté de la perforation et en général n’aura des douleurs importantes que quelques heures après le retour à la surface (car il y a un certain temps avant qu’une inflammation se développe). Il s’en suivra souvent un écoulement de l’oreille.
Une autre façon de suspecter une perforation à la surface est de demander au plongeur de faire un Valsalva et s’il ou elle sent de l’air fuir dans son conduit, c’est qu’il y a un trou dans le tympan. Bien entendu si une perforation est présente il s’agit d’une contre-indication absolue à la plongée.
Bon ici je dois vous avouer deux choses. La première est que je vous ai menti, je vais vous parler un peu de l’oreille interne. La deuxième est que je le fais pour récompenser tous ceux qui ont lu jusqu’ici mon texte !
Le vertige est une sensation de mouvement en l’absence de celui-ci. Il s’agit d’une forme d’étourdissements qui, si sévère, peut conduire à la noyade. Une forme particulière de vertige est le vertige alterno-barique. Il s’agit d’un vertige qui se produit lorsque les deux oreilles n’arrivent pas à équilibrer leur pression en même temps. Ceci peut causer un léger vertige. Il peut se produire en descente, mais est plus souvent présent lors de la remontée. Si cela se produit. Il suffit d’arrêter (maintenir votre profondeur en montée ou descente) et d’attendre, en général la trompe qui est bouchée s’ouvrira d’elle-même. Sinon, un léger Valsalva avec ou sans flexion de la tête devrait résoudre le tout. Et bien entendu, une remontée trop rapide peut favoriser ce genre de phénomène…Remontez lentement !
Espérant avoir pu vous insufflez (vilain jeu de mots) quelques nouvelles notions.
Au plaisir de vous rencontrer autour d’un site de plongée !
Simon Gagnon